Je sais que vous essayez.
Je sais que vous faites de votre mieux.
Je sais que vous êtes bien souvent sensibles à mes douleurs.
Je sais que vous êtes bien souvent démuniEs face à mes douleurs.
J’essaie.
J’essaie d’être là. J’essaie d’être avec vous. J’essaie de ne pas décrocher.
Je me bats pour ne pas laisser le passé m’envahir.
Et je suis partagée, entre vous exprimer ce que je vis à l’intérieur et ne rien dire pour ne pas gâcher le moment présent, pour ne pas envahir notre moment.
Je porte mes fardeaux.
Je sais que vous y êtes sensibles.
Je sais que vous ne savez pas quoi faire pour m’aider.
Je sais que vous préférez ne pas aborder certains sujets. De peur peut-être de remuer un couteau dans la plaie.
La réalité étant que souvent de toute façon je les sens les multiples couteaux dans mes plaies.
Je sais que vous êtes démuniEs.
Qui est outilléE pour accueillir toutes ces horreurs ? Qui a l’espace, le temps et l’énergie ?
Je sais que vous faites ce que vous pouvez.
Je sais que parfois vous ne comprenez rien à ce qui m’arrive.
Comment pourriez-vous ?
Je me sens souvent si seule alors même que je suis avec vous, donc par définition pas seule.
Mais émotionnellement seule, vide et pourrie.
J’ai parfois peur de vous envahir de ma pourriture.
Il y en a pas mal que j’ai fui d’ailleurs, par peur de les envahir de ma pourriture.
Je rêverais que vous sachiez quoi faire et quoi dire parfois, et que je vous laisse faire et dire ces choses.
Mais je sais que dans la réalité actuelle très peu de personnes sont habilitées à comprendre les conséquences profondes de l’inceste.
Je suis moi-même en train de continuer à les comprendre.
Certaines me paraissent tellement évidentes que commencer à imaginer de les expliquer me fait péter un plomb.
Je rêve juste qu’on me comprenne !
Et pourtant, je sais aussi que plus tard - lorsque je serai apaisée – faire connaître ces conséquences, faire grandir l’empathie générale envers les personnes incestées, sera un de mes objectifs de vie.
Communication simple, ateliers, numéro de clown, éducation populaire…
Mais pour l’instant, je n’en suis pas là.
Pour l’instant, j’en suis à vous remercier.
Vous remercier de ne pas avoir peur de moi, de ma pourriture.
Vous remercier pour la reconnaissance que vous m’apportez.
Vous remercier pour les rires.
Vous remercier pour la légèreté.
Vous remercier de m’aimer.
Juillet 2020
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